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Il faut savoir freiner.

 

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RIEN NE SERT DE TOMBER… 
il faut savoir freiner à temps

Par Didier Constant

Vous conduisez une moto depuis de longues années et votre expérience vous a appris à adopter une attitude de conduite défensive. Sur la route, vos sens sont toujours en éveil et vous vous allouez un espace de sécurité vous permettant de réagir aux aléas de la circulation. Mais, jailli de nulle part, un obstacle surgit devant vous, sans que vous l’ayez anticipé. Le seul moyen de vous tirer d’affaire est de freiner au maximum. Malheureusement, dans ce genre de situation, la maîtrise du pilote est nettement inférieure aux possibilités de la moto.

Dans le mémoire remis en 2000 au Ministre des Transports, par les représentants du monde de la moto au Québec, il était dit : «dans les cas de collisions avec un autre véhicule, l’incapacité de la part du motocycliste de freiner avec l’intensité requise s’impose comme cause première (des accidents impliquant les motocyclistes). Le fait que le blocage de la roue avant entraîne presque automatiquement la chute sur une moto, la principale carence de pilotage pour l’ensemble des motocyclistes provient d’une sous-exploitation chronique du frein avant dans les situations d’urgence.»

Simple, clair et précis, mais tout de même dur à avaler. Car, pour schématiser, ce que ce rapport met en lumière c’est que nous sommes, en substance, loin d’être capables de maximiser la capacité de freinage de la moto. Il faut cependant souligner, à notre décharge, que nous ne sommes pas confrontés tous les jours à des situations d’urgence. Nos réactions sont donc, plus souvent qu’autrement, induites par la surprise et la peur. Et rien dans notre «formation» de motocycliste ne nous prépare adéquatement à affronter de telles situations.

Le rapport met également en corrélation deux éléments paradoxaux et leur incidence sur les accidents. D’un côté, l’expérience est un facteur qui réduit le risque d’accidents mais, de l’autre, le kilométrage parcouru l’augmente (quelqu’un qui ne roule pas à en effet moins de chances d’être impliqué dans un accident qu’un autre qui parcourt 100 000 km par année). C’est une lapalissade.

La préparation de ce dossier nous a fait réaliser que l’ignorance ou la méconnaissance des principes de base de fonctionnement d’une moto conjuguée à l’aisance relative avec laquelle les motos contemporaines se pilotent nous donne l’illusion d’être de meilleurs conducteurs que nous le sommes en réalité. Ce fait n’est pas nouveau. En 1968, l’expert Robert Debras, dans un ouvrage intitulé «L’expertise judiciaire des accidents d’automobile – Évolution des méthodes» soulignait déjà : «… c’est cette croyance qui est dangereuse, car elle n’est pas loin de conduire à l’accident immanent par l’incapacité innée d’apprécier le jeu des lois naturelles, les forces d’inertie, l’adhérence, la vitesse critique et par la méconnaissance de ses propres limites, de son émotivité, de son manque de sang-froid».

Piloter une moto c’est, en substance, maîtriser l’adhérence. Le pilote gère constamment une certaine quantité d’adhérence qu’il peut investir à faire accélérer sa moto, à la ralentir ou à la faire changer de direction, parfois même, les deux à la fois.

Et, comme la marge d’adhérence de chaque roue est affectée par la température ambiante, celle du pavage, celle du pneu, par le type de revêtement et par la charge à la roue constamment soumise au transfert de masse, la gestion de ces paramètres prend parfois des allures de casse-tête. D’autant que les deux roues sont gérées indépendamment, une avec la main, l’autre avec le pied. Aucun autre véhicule n’exige autant de coordination, ni d’habileté, de la part du pilote.

La conduite prévisionnelle
Certains pilotes s’exercent, seuls ou dans le cadre de cours de conduite avancée, à prévoir et mettre en pratique, à des vitesses variables, des situations dangereuses auxquelles ils devront un jour réagir. Le but de ce type d’exercices est de développer une certaine habileté et une certaine vitesse de réaction face à la surprise. De l’intégrer dans leur bagage d’expérience de façon à ne pas succomber à l’émotivité le moment venu. De la même façon, la bonne maîtrise des manÅ“uvres d’évitement permet de faire face aux imprévus, d’augmenter sa perception des situations et de trouver des parades à celles-ci.

Les systèmes de freinage classique, intégral ou antiblocage
(voir colonne de droite)
Afin de mieux comprendre comment réagit une moto lors de freinages violents, nous passons en revue les trois systèmes de freinage les plus courants sur le marché : classique, intégral ou antiblocage. Nous faisons également le rappel de certaines notions essentielles à la compréhension du freinage.

Adhérence et freinage
L’adhérence est la force qui résulte du frottement entre deux surfaces (Loi de Coulomb). Le coefficient d’adhérence dépend de la nature du revêtement routier, de celle du pneu et de l’aire du pneu en contact avec la route. En théorie, la force de freinage ne peut dépasser la force d’adhérence. Celle-ci augmente en fonction de la charge à la roue et avec l’aire de contact du pneu qui s’accroît légèrement sous la poussée.

Le transfert de masse
À l’inverse de l’accélération qui a tendance à délester la roue avant, le freinage fait plonger la fourche et déleste la roue arrière au point où elle n’est parfois plus en contact avec le sol. Ce phénomène est appelé «transfert de masse». Si celui-ci est incomplet, la roue avant n’est pas suffisamment chargée et se bloque, entraînant presque invariablement la chute. Pour effectuer un transfert de masse adéquat, il faut utiliser les deux freins (avant et arrière) en utilisant la bonne vieille formule que l’on enseignait dans les moto-écoles : 30 % sur l’arrière, 70 % sur l’avant. Le freinage s’effectue de façon progressive sur le frein avant et dégressive sur le frein arrière. Ce dernier permet d’amorcer le transfert de masse, le frein avant prenant ensuite la relève et achevant de comprimer la fourche. Le transfert est complet lorsque la roue arrière “lèche” le bitume. Ensuite, et seulement ensuite, il est possible de tirer plus fort sur le levier de frein avant pour compléter le freinage.

Le freinage d’urgence
Dans une situation d’urgence, il est important de bien garder les bras solides, presque tendus, de répartir la pression également sur les deux côtés du guidon afin d’éviter un déséquilibre lors du freinage. En cas de perte d’adhérence, la moto reste alors en ligne. Utilisez, de préférence, deux doigts (comme le font les compétiteurs) pour actionner le levier de frein, ce qui vous laisse les autres doigts et la paume de la main pour bien garder la moto sur sa trajectoire. Avec un peu de pratique, ces gestes deviendront instinctifs, ce qui libérera votre esprit qui pourra alors se concentrer sur la situation présente.

Sur revêtement mouillé
Sur revêtement mouillé, le frein arrière ralentit la moto durant toute la phase du freinage, l’avant ne pouvant être sollicité aussi fortement que sur pavé sec pour délester la roue arrière. Il faut également tenir compte du fait que, sur pavé humide, l’adhérence est moindre et que les distances de freinage sont quasiment doublées.

Le freinage avec passager
Il semblerait que la conduite en duo ne constitue pas forcément un handicap pour le freinage et n’induit pas d’allongement significatif des distances d’arrêt, spécialement sur les motos modernes équipées de disques surdimensionnés et d’étriers très performants. Le surplus de poids que représente le passager permettrait d’ailleurs d’utiliser le frein arrière de façon plus efficace.

LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE FREINAGE
LE FREINAGE CLASSIQUE
Un disque se compose de deux parties distinctes : la frette et la piste.

  • La frette (la partie centrale du disque) sert à le fixer sur la jante.
  • La piste (en acier inoxydable, en fonte ou en carbone) est la partie sur laquelle les plaquettes frottent, poussées par les pistons de l’étrier.

Le fait que la frette et la piste ne soient pas réalisées d’un seul tenant permet d’éviter le voile ment du disque en raison des déformations qu’il subit (la piste se dilate sous l’effet de la chaleur résultant du frottement des plaquettes alors que la frette ne subit pas d’échauffement, ni de variation de volume)Le montage de la piste sur la frette peut être fixe (les deux pièces sont solidaires) ou semi-flottant (la piste bouge latéralement, ce qui permet de compenser la déformation de la piste).En 1969, le monde motocycliste vécut une révolution avec l’apparition, sur la nouvelle Honda CB 750, du premier freinà disque de série. Tous ceux qui n’ont pas conduit de motos équipées de frein à tambour réalisent peut-être mal le changement que cela représentait pour les motocyclistes. Le frein à disque de la CB 750 n’avait pas l’efficacité des systèmes actuels, pourtant, il apportait une nette amélioration par rapport aux tambours, qu’il a rapidement supplantés. Aujourd’hui, la grande majorité des motos est ralentie par un système à trois disques (deux à l’avant, un à l’arrière) de fort diamètre, pincés par des étriers à quatre ou six pistons opposés.

LE FREINAGE INTÉGRAL
En freinant de l’avant : le maître-cylindre commande deux des trois pistons de chaque étrier avant. La pince, qui a tendance à “remonter”, actionne le maître-cylindre auxiliaire qui commande le piston central de l’étrier arrière. La pression renvoyée à l’étrier arrière est régulée par un clapet qui diminue progressivement la puissance de freinage à l’arrière (freinage dégressif).

En freinant de l’arrière : le maître-cylindre arrière actionne les pistons centraux de chaque étrier. Un clapet retarde la mise en action des étriers avant afin de permettre le transfert de masse.

Ce type de freinage est dérivé de l’automobile. Bien, qu’actuellement, il soit utilisé principalement par Honda (système Dual CBS), sur certains de ces modèles (VFR800, CBR 1100 XX, ST 1100, GL 1500 Gold wing) la firme italienne Moto Guzzi le propose sur ses routières depuis 1975.

Avec un système de freinage intégral, l’action sur le frein avant ou arrière entraîne la mise en action de tous les étriers.

Le système de freinage intégral stabilise énormément la machine au freinage en gérant adéquatement le transfert de masse, à l’insu du pilote. Il permet même d’effectuer de légères corrections de vitesse avec la pédale, sans modifier l’assiette de la moto, ni son équilibre, particulièrement en courbe.

Plusieurs pilotes trouvent le système de freinage intégral plus agréable et plus précis que l’ABS bien que son efficacité soit moindre sur pavage humide. En effet, dans ces conditions particulières, une action trop vive sur la pédale arrière peut entraîner une dérobade de l’avant. Ce système demande cependant une certaine période d’adaptation, surtout à basse vitesse où l’action sur la pédale arrière à tendance à figer la moto en virage.

LE FREINAGE ANTIBLOCAGE
Chaque jante est équipée d’une roue dentée et d’un capteur électromagnétique. Si une seule roue se bloque, l’unité de contrôle détecte la différence de rotation entre les deux roues. Elle réagit en diminuant d’abord la pression dans le circuit de freinage, puis en rétablissant progressivement la pression quand le blocage a disparu. En cas de blocage des deux roues, le système détecte une valeur de décélération critique et intervient de la même façon. Le reste du temps, l’ABS agit comme un système de freinage classique.

Développé d’abord pour les avions puis l’automobile, le système antiblocage fait son apparition sur une moto de série en 1988, sur une BMW K100. L’ABS est géré par un système électronique qui relâche la pression dans les étriers de freins d’une roue qui amorce un blocage. Lors d’un premier contact avec une moto équipée d’un système ABS, on est surpris par les sensations désagréables que celui-ci transmet au pilote. Il renvoie en effet des vibrations assez fortes au niveau du guidon. De plus, il est presque impossible d’induire un dérapage de la roue arrière pour modifier la trajectoire de la moto.

Sur revêtement glissant, ou en cas de freinage d’urgence, l’ABS se révèle très efficace et peut sauver la vie du pilote. Cependant, certains spécialistes lui reprochent de faire oublier les principes de base du freinage au pilote qui finit par se fier uniquement à l’électronique. L’ABS risque aussi de donner un faux sentiment de confiance au pilote qui a tendance à pousser un peu plus sa machine, se sentant protégé par ce système.

Dans l’automobile, les statistiques démontrent que les véhicules équipés d’un système de freinage ABS sont sur-représentés dans les accidents de la route. La même constatation s’applique aux véhicules à quatre roues motrices, lourdement représentés dans les accidents survenant lorsque les conditions météo sont difficiles (pluie, neige, verglas…)

Sur une moto, l’adhérence est aussi fonction de son angle d’inclinaison. Or, les systèmes ABS actuels offrent leur rendement maximal quand la moto est à la verticale. En virage, quand la moto est penchée, l’équation de base selon laquel-le le système est calibré, n’est plus tout à fait juste. Il n’est pas utopique de croire que, dans un avenir rapproché, des technologies de pointe (lecteur de déplacement de la route, accéléromètres, gyroscopes proprioceptifs) permettront d’élargir le champ d’utilisation des systèmes ABS.

Pour la grande majorité des motocyclistes, les systèmes d’assistance au freinage (intégral ou ABS) présentent un avantage certain sur le système classique. Ils améliorent nettement la sécurité, spécialement sur revêtement glissant et en cas de freinage d’urgence. Cependant, rien ne vaut l’expérience. Et un bon pilote, aguerri aux techniques de freinage d’urgence, sur une moto équipée d’un bon système de freinage classique (et de pneus adéquatement gonflés) gardera toujours un avantage sur les autres : il saura comment réagir, en toutes circons-tances et contrôler son véhicule dans toutes les situations.

 
   
   

 

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