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Voir et être vu: Telle est la question.

VOIR ET ÊTRE VU: TELLE EST LA QUESTION

Au fur et à mesure que la saison avance et que l’on accumule les kilomètres, notre méfiance naturelle envers les autres usagers de la route et envers nos capacités réelles a tendance à s’estomper. On gagne en confiance et on se croit meilleur qu’on ne l’est vraiment. Une bonne occasion donc de revoir certains principes de base. Comme la visibilité, par exemple. Un élément crucial d’une conduite sécuritaire.

Par Didier Constant

Que l’on circule, sur une autoroute, sur une route de campagne ou encore en ville, les conditions changent rapidement, parfois sans avertissement. Un motocycliste expérimenté sait qu’il doit toujours avoir la pleine maîtrise de son véhicule, être conscient de son environnement et prévoir ce qui peut survenir.

Il doit toujours avoir à l’esprit des stratégies qui lui servent de repère afin d’identifier une situation particulière et y apporter la riposte appropriée. Ces stratégies sont, généralement, le fruit d’une formation et d’une expérience sérieuses. Si l’une ou l’autre de ces deux conditions n’est pas remplie (ou les deux, ce qui est plus grave), la palette d’outils dont dispose le pilote est limitée et il doit s’en remettre à la chance. Mauvais plan!

La visibilité

La visibilité c’est voir et être vu. Selon la majorité des études portant sur la sécurité routière, la visibilité est l’élément de base de toute stratégie de conduite. La plupart des accidents impliquant un motocycliste résulte du fait qu’il n’est pas vu par les autres usagers ou qu’il l’est à la dernière minute. En effet, les motos sont moins volumineuses que les autos et leur vitesse est plus difficile à juger. Sans compter le fait que les automobilistes, pour la plupart, ne se soucient guère de nous. La première étape est donc de nous rendre plus visibles.

Être vu

Le meilleur moyen de survivre dans la circulation, c’est d’assumer notre invisibilité. Et de faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de nous rendre plus visible des autres usagers, de communiquer efficacement notre présence et nos intentions. Pour y parvenir, plusieurs options s’offrent à nous.

Portez des vêtements voyants et un casque de couleur claire. Il est également possible d’augmenter notre visibilité dans les conditions de faible éclairage en installant des bandes réfléchissantes sur nos vêtements et notre casque.

Durant la journée, roulez en plein phare. N’oubliez pas de vous remettre en position code à la tombée de la nuit afin de ne pas éblouir les autres usagers. Communiquez vos intentions aux autres usagers, soit à l’aide de signaux électriques (appel de phare, appel de frein) ou manuels (tendre le bras pour indiquer que vous allez tourner, par exemple). Et pensez à couper votre

clignotant une fois que vous avez tourné ou changé de voie. Un mauvais signal est aussi nocif que l’absence de signal.Quand vous ralentissez ou freinez, pompez légèrement le frein afin d’attirer l’attention des véhicules qui vous suivent.Au risque de passer pour un «maudit Français», n’hésitez pas à utiliser votre klaxon. En étant conscient du fait que beaucoup d’automobilistes roulent les vitres fermées (c’est bien pratique la climatisation), la musique à fond.

Voir et prévoir

La première chose à faire est d’observer la route devant vous, le plus loin possible mais, aussi, le plus large possible. Car la vision périphérique est extrêment importante. Cette évaluation complète doit se faire en un laps de temps très court. De son acuité dépend la réussite de la manÅ“uvre. Plus vite vous aurez détecté et analysé une situation ou un problème potentiel, plus vous aurez de temps pour y réagir. Quand vous conduisez, vous devez, en tout temps, effectuer une lecture anticipée de la route avec un délai de 12 à 14 secondes d’avance. Et être prêt à faire face à tous les scénarios. C’est-à-dire prévoir le pire et identifier la riposte à apporter.

Emmagasinez le plus d’information possible sur la chaussée: les arbres peuvent cacher des nids-de-poule, des plaques de glace, du gravier et d’autres obstacles. Soyez conscients du traffic autour de vous, ce qui inclut aussi ce qui se passe devant vous, derrière vous ou à cÙté de vous. Tenez compte du fait que les intersections représentent un danger potentiel élevé du fait de l’arrivée soudaine d’autres véhicules dans votre trajectoire. Et ne considérez pas les piétons, ni les animaux comme quantité négligeable. Ils sont souvent imprévisibles.

Servez-vous de vos rétroviseurs pour observer ce qui se passe derrière vous mais ne vous y fiez pas inconditionnellement. Retournez la tête avant d’entreprendre un manÅ“uvre de dépassement, ou de virage. Et redoublez de prudence dans les endroits où la circulation est lente, comme les terrains de stationnement, les entrées de garages et les ruelles. Car la grande majorité des accidents surviennent à basse vitesse.

La collecte d’information visuelle

La conduite d’une moto est essentiellement un exercice mental. Notre cerveau acquiert l’information un peu à la manière d’un ordinateur à la différence près qu’il possède la capacité de prendre des décisions et ce même s’il ne possède pas tous les éléments nécessaires à l’analyse de la situation. De plus, contrairement à un ordinateur, notre cerveau intègre les sensations et les sentiments à son processus de prise de décisions. L’expérience, aussi.

Notre cerveau gère le temps et l’espace, analyse une foule de facteurs (vitesse, état de la chaussée, présence d’autres véhicules, etc.) et ce à toutes les étapes de la conduite (virage, freinage, accélération).

Certaines études indiquent que près de 90% des impressions que ressentons lorsque nous conduisons sont d’ordre visuel. Pour se concentrer sur un événement spécifique dans la

circulation, nous devons nous fier à notre vision centrale, laquelle est matérialisée par un cone dont le sommet part du centre de votre œil et ne couvre que 3 degrés. La vision centrale est utilisée pour estimer les distances ou analyser des événements ponctuels.

La vision périphérique, qui est nettement moins précise que la vision centrale, est plus sensible à la lumière et au mouvement. Elle nous permet de détecter et d’évaluer l’apparition ou la disparition d’objets ou de véhicules dans la circulation même si nous ne les regardons pas directement.

Apprenez à regarder

Pour conduire efficacement et de façon sécuritaire, il est important de développer de bonnes habitudes de vision et d’observation. En particulier apprendre à regarder au loin le long de notre trajectoire, tout en utilisant notre vision latérale pour conserver un bon positionnement dans notre voie de circulation. Il existe plusieurs exercices afin d’arriver à un certain niveau de maîtrise:

concentrez-vous sur votre trajectoire prévue et déplacez-vous dans la circulation en maintenant une marge de sécurité et de mouvement adéquate;

gardez la tête haute et les yeux levés;

gardez vos yeux en mouvement perpétuel afin d’avoir un champ de vision large et d’enregistrer le maximum d’information;

évitez de fixer un objet proche plus d’un court instant (un à trois dixièmes de seconde).

Idéalement, vos yeux devraient être en permanence à la recherche d’information visuelle et ne fixer les choses qu’un bref moment. Cependant, plusieurs facteurs peuvent limiter votre acuité visuelle:

l’âge, qui cause une réduction de l’acuité visuelle, ralentit la vitesse de mouvement des yeux, augmente le temps nécessaire à la mise au point de l’Å“il quand il passe d’un objet lointain à un rapproché, et réduit la capacité à distinguer les couleurs;

le port d’équipements de protection visuelle (lunettes défectueuses, visière teintée la nuit, etc.) inadéquats ou inappropriés,

la fatigue, qui tend à faire baisser votre regard et limite ainsi votre champ de vision;

l’alcool et les drogues qui vous amènent à fixer votre regard droit devant vous et limitent vos mouvements oculaires. Souvenez-vous que l’alcool est un facteur présent dans 50% des accidents mortels de la circulation.

De plus, ces facteurs limitent votre capacité à évaluer les risques et augmentent les facteurs accidentogènes.

 

La perception visuelle

La conduite d’une moto induit plusieurs fonctions complexes dont la perception et l’identification d’indices et de signes dans la circulation. C’est la partie de notre système mental qu’on appelle le processus de recherche, lequel dépend d’une perception visuelle claire et précise.

La perception visuelle est un processus actif qui implique une volonté de participation de la part du sujet afin d’être efficace. La perception fait appel à des sens (principalement la vision dans le cas de la conduite moto) fournissant une multitude d’informations vitales à notre cerveau. Celui-ci traîte et analyse ensuite ces données afin de leur donner un sens. D’un point de vue technique, la perception visuelle est la matérialisation des stimulis visuels que nous recevons.

Quand la circulation est fluide et les conditions météos favorables, tout le monde peut facilement guider son véhicule dans le chemin ou la trajectoire qu’il choisit. Mais quand les choses se gâtent, le défi augmente. Les décisions deviennent plus critiques et les erreurs plus coûteuses. En partant du principe que les décisions sont basées sur des perceptions, on comprend l’importance de donner un sens «correct» ou «juste» aux informations que l’on reçoit.

La reconnaissance décalée ou la perception inadéquate de risques potentiels conduit à une prise de décision erronée et résulte inévitablement en une chute ou un accident. N’oubliez jamais que votre véhicule se dirige toujours là où vous regardez. D’où l’importance de regarder là où vous voulez aller. Ça semble simpliste mais c’est un fait indiscutable, non une théorie.

De bonnes habitudes de vision réduisent le risque de «fixation de cible». Un phénomène qui résume ce qui précède. Si vous fixez un véhicule ou un endroit particulier de la chaussée (l’accotement, par exemple), vous allez vous diriger droit dessus ou le heurter.

Comme nous l’avons vu dans le dossier sur les virages, la prise de décisions dépend d’un processus mental résultant de cinq actions: observation, identification, prédiction, décision et exécution. Tout part donc de la vision. Si cette première étape est mal exécutée, c’est tout le processus qui est touché. Et les conséquences de cette erreur peuvent être fatales.

EFFETS DE LA VITESSE SUR LA VISION

La vitesse est un élément crucial de notre environnement de conduite. Elle influence également notre capacité à gérer le temps et l’espace.

Imaginez que vous roulez sur votre route favorite à 40 km/h. Maintenant, imaginez que vous empruntez la même route mais à 80 km/h. Au fur et à mesure que votre vitesse augmente, vous approchez les obstacles éventuels à un rythme beaucoup plus élevé. Vous pouvez «voir» un problème potentiel à la même distance sauf que vous parcourerez celle-ci en un laps de temps beaucoup plus court (deux fois plus court dans le cas présent), lequel ne vous permettra peut-être plus d’analyser tous les facteurs et d’adopter une parade efficace à temps. Surtout qu’il faut évaluer l’urgence de la situation, comparer les options qui s’offrent à vous et choisir la plus appropriée à la situation. Tout ça en 12 secondes (le délai de vision anticipée que nous devrions appliquer en permanence).

Quelles que soient votre expérience et vos habiletés de conduite, plus la vitesse augmente, plus votre faculté de réaction diminue. Et plus vous devriez accroître votre délai de vision anticipée.

Texte sur motoplus.com

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